Pierre de Ronsard – L’amour piqué par une abeille


 Ode (L’Amour piqué par une abeille)

Le petit enfant Amour
Cueillait des fleurs à l’entour
D’une ruche, où les avettes
Font leurs petites logettes.

Comme il les allait cueillant,
Une avette sommeillant
Dans le fond d’une fleurette
Lui piqua la main douillette.

Sitôt que piqué se vit,
« Ah, je suis perdu ! » ce dit,
Et, s’en courant vers sa mère,
Lui montra sa plaie amère ;

« Ma mère, voyez ma main,
Ce disait Amour, tout plein
De pleurs, voyez quelle enflure
M’a fait une égratignure ! »

Alors Vénus se sourit
Et en le baisant le prit,
Puis sa main lui a soufflée
Pour guérir sa plaie enflée.

« Qui t’a, dis-moi, faux garçon,
Blessé de telle façon ?
Sont-ce mes Grâces riantes,
De leurs aiguilles poignantes ?

–Nenni, c’est un serpenteau,
Qui vole au printemps nouveau
Avecques deux ailerettes
Ça et là sur les fleurettes.

–Ah ! vraiment je le connois,
Dit Vénus ; les villageois
De la montagne d’Hymette
Le surnomment Mélissette.

Si doncques un animal
Si petit fait tant de mal,
Quand son alène époinçonne
La main de quelque personne,

Combien fais-tu de douleur,
Au prix de lui, dans le coeur
De celui en qui tu jettes
Tes amoureuses sagettes ? »

Odes1550-1552

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