L’abeille et le Frêlon – M.Dusausoir


 L’Abeille et le Frêlon

Une Abeille, dans la prairie,
Se promenoit sur mille fleurs.
Elle respiroit leurs odeurs ,
De toutes elle étoit chérie
Et recevoit quelques faveurs.
Un Frelon l’observoit, & sa jalouse rage
Ne put long-tems se contenir;
II s’approche, il fait grand tapage
Et se prépare à la punir.
Ah ! Frelon, quelle jalousie,
Ou plutôt quelle cruauté,
Dit l’Abeille en tremblant, calmez Votre Furie ;
Mon travail appartient à la société,
Et le peu de ces fleurs dont je me suis nourrie,
Je le rends à l’humanité.
J’en compose le miel ; je n’ai point d’autre envie,
Et si je suis de quelque utilité,
C’est tout le bonheur de ma vie,
Et c’est ma seule vanité.
A ce discours, le Frelon en colère
Menace, il veut l’anéantir ;
Et sous sa rage meurtrière
L’Abeille étoit prête à périr,
Lorsqu’un oiseau, témoin de la querelle,
Vint la soustraire au barbare Frelon.
O vous, dont la fureur toujours se renouvelle,
Retenez bien cette leçon ;
Dans les trésors du goût laissés puiser l’Abeille :
Zoïles insensés, vous bourdonnez en vain !
Le Public seul est juge souverain ;
Arbitre des talens, il est l’oiseau qui veille,
Et pour vous écraser il a le foudre en main.

M. Dusausoir.
Mercure de France, 1771.

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